« Sous les orangers » est un tableau peint par Berthe Morisot en 1889. Il mesure 54,6 cm x 65, 7 cm. En temps ordinaire, il est à Kansas City, aux Etats Unis, au Nelson-Atkins Museum of Arts. Mais on peut le voir jusqu’au 29 septembre au Musée Jules Chéret de Nice. Alors, je suis allée le voir. Car c’est un très beau tableau. Car m’émeuvent toujours les tableaux montrant des petites filles, profitant d’un beau moment ensoleillé, dans un jardin, mais bien à l’ombre, petites filles qui semblent heureuses et tranquilles…
Une petite fille porte un chapeau décoré d’un ruban assorti à sa robe claire dans laquelle se reflètent les feuillages alentour, à moins que les feuillages ne reflètent la robe, ce qui est possible quand il fait si beau, que tout va bien, qu’on est heureux dans un petit éden si paisible que les perruches dont on a ouvert la cage ne s’enfuient pas et restent là, elles aussi.
Elle est assise dans l’herbe, comme on le fait spontanément, en pliant les jambes et en faisant porter le poids du corps sur une main et il me semble bien qu’elle écoute d’autres personnes qui doivent être près d’elle, en dehors du cadre du tableau – Berthe Morisot a toujours aimé les plans serrés. C’est aussi cela qui est beau dans ce tableau : ce qui n’y est pas. Je vois bien la lumière en abondance dans le jardin, l’ombre bienfaisante dans laquelle on s’installe, les perruches bleues – oui, ce sont des perruches ou du moins des oiseaux qui font tout ce qu’ils peuvent pour leur ressembler tellement les perruches bleues sont belles, le désordre des feuillages car il y a sans doute une légère brise et puis faut-il toujours qu’un jardin soit bien rangé… Je pense aussi à ce qui est en dehors du cadre, l’instant d’avant le tableau, la vie tout autour de lui, quand quelqu’un a dit, je l’imagine ainsi : « Et si on s’installait sous les orangers ? » Oui, qu’y a-t-il de mieux à faire, et le peindre ? Ou l’écrire ?
le tableau du jour
-
Sous les orangers.
-
La tasse de thé.
On n’a pu écouter que le tout début d’Allegretto, l’émission de la délicieuse Denisa Kerschova l’autre jour, mais on a bien entendu que le tableau du jour était La tasse de thé, d’André Derain.
André Derain est un peintre qu’on aime infiniment car il ne peut être dissocié des paysages du midi pour la peinture desquels on a longtemps cru que le Fauvisme avait été créé. Mais non.
Que voit-on sur ce tableau ? Une femme, assise sur une chaise au haut dossier sur lequel elle semble avoir posé son manteau rouge ; près d’elle, une théière et une tasse ; elle lit mais, dans l’instant où le peintre a capté son image, elle a cessé de lire et son regard se perd.
On aime ce tableau qui évoque des instants familiers quand, au café, on s’installe pour lire ou écrire. Bien souvent, n’est-ce pas, on s’arrête pour lever la tête et regarder au dehors les passants mais, au bout d’un instant, un court instant, on ne les regarde plus, on est loin. Est-on dans le livre ? Oui, dans les mots écrits, lus, et tous ceux dont on rêve ; dans les images ; dans les ailleurs. Puis, on revient à l’instant présent, on se redresse, on boit une gorgée de thé et on reprend le livre ou le carnet sur lequel on écrit.
Sur la couverture de M Train, de Patti Smith, on la voit ainsi au café, avec ce même geste d’une main qui soutient le visage, et le regard tourné vers l’ailleurs.